Conçu comme une fresque à la fois mythologique et contemporaine, Sacre explore les imaginaires liés aux territoires les plus reculés du Sud-Ouest de la France et interroge la fragilité d’un monde paysan en déclin.
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De la forêt aux marais, de la montagne au fleuve, le récit légendaire épouse les nuances du paysage. À chaque lieu correspond un imaginaire, des peurs et des symboliques particulières. Avec Sacre, Elie Monferier traverse des terres imprégnées de mythes et de légendes : en explorant le Sud-Ouest de la France, il interroge la manière dont les paysages façonnent des imaginaires collectifs où se mêlent réalité et fiction. Ces territoires deviennent le théâtre d’une narration intemporelle où les habitants évoquent des figures archétypales : les personnes rencontrées se transforment en des personnages qui incarnent les invariants humains liés aux pulsions et à la nature sauvage.
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Mais ces territoires mythologiques sont aussi le reflet d’un monde en déclin. Le monde rural qui semblait jusqu’alors entretenir une relation harmonieuse et immuable avec son environnement s’éteint sous la pression d’un univers de plus en plus industriel, matérialiste et fonctionnel. L’omniprésence des corps blessés signale de manière métaphorique l’action pernicieuse d’une modernité qui agirait comme une maladie rongeant le corps paysan. Sacre questionne le devenir de modes de vie en sursis et peut se lire comme la vision fantasmagorique du déclin d’un monde qui ne sera plus, un monde qui contemple sa propre ruine sociale mais où est encore valable l’excès de désir, de mort, d’extase, de souffrance, de rage et de jouissance. Sacre célèbre ainsi ce qui est irréductible au drame de la vie humaine tout en révélant la fin d’un cycle — celui du paysan enraciné dans une terre qui, elle aussi, se meurt.
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« C'est un monde dont les frontières ont la densité du brouillard. Un monde de doutes et d'instincts où tout s’unit viscéralement à la terre - les gestes simples, les cheveux de paille et les regards droits, les corps comme des souches noueuses, les bêtes à nourrir au petit matin, l'écho des chiens qui aboient quand l'étranger s'approche, les vastes plaines battues par la pluie. Tout y est question de rapports de force, de la violence qui marie les êtres, et de forces plus grandes, plus vives, plus mystérieuses, où se mêlent l'odeur des charognes et des nourrissons, le bruit des feux de paille et des éclairs de chaleur, le pressentiment de l'orage à venir. »
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