MYTHOLOGIES
SACRE
« C'est un monde dont les frontières ont la densité du brouillard. Un monde de doutes et d'instincts où tout s’unit viscéralement à la terre - les gestes simples, les cheveux de paille et les regards droits, les corps comme des souches noueuses, les bêtes à nourrir au petit matin, l'écho des chiens qui aboient quand l'étranger s'approche, les vastes plaines battues par la pluie. Tout y est question de rapports de force, de la violence qui marie les êtres, et de forces plus grandes, plus vives, plus mystérieuses, où se mêlent l'odeur des charognes et des nourrissons, le bruit des feux de paille et des éclairs de chaleur, le pressentiment de l'orage à venir. »
Entre 2018 et 2020, Elie Monferier s'est rendu dans différents territoires remarquables de la campagne française où il a rencontré toute une population connectée à la tradition orale des contes. De la forêt aux marais, de la montagne au fleuve, le récit légendaire épouse les nuances du paysage. À chaque lieu correspond un imaginaire, des peurs et des symboliques particulières. Les inquiétudes se déplacent mais un fond commun de besoin, de pulsion et de terreur, survit. Pendant deux ans, Elie Monferier a abordé les contes et les berceuses qu’on lui livrait, comme s’ils contenaient la survivance secrète de quelque chose d’essentiel, les fragments d’une vérité ancienne.
Afin d’en souligner l’influence sur nos imaginaires, Sacre reprend les grandes thématiques du conte : la violence et les peurs primitives, les archétypes, la cruauté et l’enchantement de la nature. Sacre dévoile un monde rural où prédominent l'énergie vitale et la résilience des corps, le dépouillement et la sévérité des éléments, la solitude et la fraternité des individus face à la mort.
Le titre de ce travail, Sacre, questionne l’acte photographique en lui-même. Le sacre photographique, c’est rendre toute sa force, sa dignité, sa majesté, à ce qu’il y a de plus bas et de plus fragile chez l’être humain. C’est illuminer ce qui était voué à l’obscurité et au refoulement. Le sacre photographique, c’est hisser l’homme à la hauteur de l’archétype - invariant et éternel. C’est l’extraire du néant et de l’oubli.

















